Avec la montée des craintes de récession, les travailleurs désireux de trouver un nouvel emploi offrant de meilleures conditions salariales et autres ont peut-être remis leur recherche à plus tard. Cela ne signifie pas pour autant que le « désengagement discret » est une chose du passé.
La notion de désengagement discret s’est répandue sur TikTok à l’été 2022 lorsque des milliers de gens ont commencé à publier des vidéos dans lesquelles ils déclaraient qu’ils éviteraient désormais de s’impliquer dans des tâches ne figurant pas dans leur description de poste afin de pouvoir donner la priorité à leur vie personnelle. Épuisées par les exigences de la période de pandémie, les personnes qui faisaient le choix de se désengager discrètement disaient essentiellement qu’elles ne trouvaient pas de valeur ou de signification dans leur travail, de sorte qu’elles ne se sentaient pas inspirées à faire quoi que ce soit de plus que le strict minimum.
Cette tendance contraste fortement avec l’état d’esprit observé chez les travailleurs il y a à peine quelques années. Le rapport de Gallup intitulé State of the Global Workplace: 2022 Report (site en anglais) indique qu’avant la pandémie, la mobilisation et le bien-être des employés étaient en progression à l’échelle mondiale depuis près de dix ans. Aujourd’hui, ces facteurs sont stagnants. En fait, selon le rapport, seulement 21 % des employés se disent mobilisés au travail, et seulement 33 % disent mener une vie épanouie, de sorte que bon nombre ne trouvent pas dans leur travail la signification qu’ils recherchent.
Dans ce contexte, comment les gestionnaires et les employeurs peuvent-ils aider les employés à se sentir heureux, motivés et stimulés ? Voici trois comportements qui peuvent avoir une forte influence à cet égard.
Les dernières années ont apporté un lot de stress. La pandémie, la volatilité économique et les temps difficiles auxquels le monde est confronté ont créé une multitude de difficultés et de changements qui échappent au contrôle des travailleurs et ont sur ceux-ci des conséquences négatives.
Caroline Webb, accompagnatrice en leadership et auteure de Passer une bonne journée au bureau, c’est possible (site en anglais), a conseillé des centaines de chefs de la direction et de dirigeants d’organisation dans le monde entier. Selon elle, les gestionnaires doivent être attentifs à l’état d’esprit des employés et trouver des façons de les soutenir. En se montrant attentifs, les gestionnaires peuvent percevoir qu’un membre de leur équipe n’a plus le même intérêt pour son travail ou n’apporte plus une contribution reflétant ses responsabilités essentielles, dit Mme Webb.
« C’est là une occasion vitale à saisir, explique Mme Webb. Le gestionnaire doit avoir une conversation avec la personne afin de découvrir ce qui ne va pas. Il peut suffire d’une seule conversation pour dénouer les choses. Assoyez-vous avec la personne et posez-lui des questions sur la façon de régler le problème. Gardez l’attention centrée sur la recherche de solutions. »
La démobilisation des employés a aussi un effet sur la rentabilité des entreprises. Selon le rapport de Gallup, l’insuffisance de mobilisation du personnel coûte à elle seule 7,8 billions de dollars à l’économie mondiale.
Cette situation tient au fait qu’il existe un lien entre l’état d’esprit des employés et leur façon de travailler, dit Christina Cleveland, qui dirige l’équipe Diversité et inclusion à RBC.
« En écoutant les employés, on leur permet de se libérer du fardeau affectif qu’ils portent, quelle que soit la nature de celui-ci, explique Mme Cleveland. Il en résulte un état de disponibilité, et les employés peuvent ainsi de nouveau mobiliser les fonctions exécutives de leur cerveau pour réfléchir de façon critique et créative, résoudre des problèmes et aller de l’avant. »
S’il est important de parler avec les employés, il faut aussi donner l’exemple en adoptant des comportements sains, dit Caroline Webb. Elle explique que plutôt que de travailler en mode multitâche – par exemple en vérifiant ses courriels pendant les réunions –, il vaut mieux privilégier le « monotâche », car on obtient de meilleurs résultats en se concentrant sur une seule tâche à la fois. Il est bon aussi de prendre des pauses. L’évolution technologique a favorisé la généralisation d’une culture dans laquelle le travail ne marque jamais de pause, indépendamment du jour ou de l’heure, et les attentes de disponibilité constante se sont faites plus pressantes, souligne Caroline Webb. Pour cette raison, elle recommande de prendre des pauses, et d’encourager les autres à faire de même.
« Quand nous prenons des pauses, dit Mme Webb, nous aidons notre cerveau à mieux fonctionner et nous prenons de meilleures décisions. Lorsque, en tant que dirigeants, nous adoptons cette façon de faire, nous montrons que nous ne sommes pas surhumains, et qu’avoir à cœur de réussir ne signifie pas qu’il faut tout faire en même temps. »
L’un des plus grands défis qui se posent pour les employeurs et les gestionnaires de personnes, et particulièrement dans un contexte de volatilité économique, est celui d’aider les employés tentés par le désengagement discret à trouver dans leur travail une raison d’être qui va au-delà de la simple motivation financière.
Parmi les personnes interrogées en vue de la publication d’un rapport sur les tendances mondiales en matière de culture (site en anglais), 83 % ont dit considérer comme une priorité de premier plan la possibilité de faire quotidiennement un travail ayant véritablement un sens à leurs yeux. De plus, près de 70 % des répondants ont indiqué qu’ils seraient prêts à quitter leur emploi pour un autre leur apportant plus de satisfaction.
« Il est important de trouver un emploi qui est source de stabilité financière, mais il faut aussi que cela nous permette de faire des choses qui nous passionnent, et cela dans un milieu où nous nous sentons stimulés et motivés », dit Alan Richardson, l’un des hauts dirigeants responsables du perfectionnement et du maintien en poste des talents à RBC.
Notre raison d’être est une caractéristique qui nous est propre. Pour certains, actualiser cette raison d’être signifie participer à des projets ayant une incidence importante ; pour d’autres, cela veut dire avoir des contacts individuels avec les clients. Ajoutons que la raison d’être plus vaste de l’entreprise dont nous faisons partie – par exemple, le désir d’aider les gens à atteindre leurs objectifs financiers – peut accroître à nos yeux la valeur du travail que nous accomplissons quotidiennement.
« Si vos employés considèrent que la raison d’être de l’entreprise leur apporte personnellement quelque chose qu’ils peuvent intégrer à leur rôle et à leurs responsabilités, vous pouvez être certain que votre effectif est mobilisé », dit Alan Richardson.
Ashley Tidd, conseillère en prêts hypothécaires à RBC, dit trouver sa raison d’être dans les liens qu’elle établit avec les clients.
« Je me préoccupe vraiment de mes clients, dit-elle. L’acquisition d’une maison est l’un des achats les plus importants de leur vie, et j’apprends vraiment à les connaître au cours du processus hypothécaire. Le fait de les accompagner à cette étape est une expérience très enrichissante pour moi. »
Elle n’est pas la seule à voir les choses ainsi. De nombreux employés trouvent valorisant de contribuer à des changements et d’avoir une incidence par leur travail. Il est important de trouver des façons d’aider les employés à comprendre les incidences positives qu’ont leurs actions individuelles et leur travail quotidien, car cette compréhension peut influer de façon majeure sur leur degré de mobilisation.
Très tôt dans notre vie, nous commençons à rechercher l’attention et l’appréciation de nos parents, de nos amis et de nos enseignants. Ce désir de rétroaction positive est encore présent en nous lorsque nous entrons sur le marché du travail.
Des études ont montré que le fait d’offrir de la reconnaissance – par exemple une promotion ou un « merci » – favorise la création d’une culture axée sur la mobilisation, la fidélisation et le rendement élevé. Or, s’il est vrai qu’une telle approche peut être motivante, elle demeure toutefois tributaire du rendement, dit Christina Cleveland.
« La reconnaissance accordée à quelqu’un est liée à des réalisations, explique Mme Cleveland, alors que l’appréciation est une affirmation de la valeur et du potentiel de la personne. Dans un monde où le contrat social a changé – car les employés d’aujourd’hui veulent sentir qu’on s’intéresse à eux, à leurs besoins et à ce qu’ils ont à dire –, l’appréciation est une caractéristique fondamentale des milieux de travail inclusifs, ainsi qu’un facteur déterminant du sentiment d’appartenance des individus. »
L’appréciation des gestionnaires de personnes est particulièrement importante pour les employés. Lors d’un sondage de Glassdoor, 53 % des répondants ont indiqué qu’ils auraient tendance à demeurer plus longtemps dans l’entreprise où ils travaillent s’ils recevaient plus d’appréciation de leur supérieur.
Cependant, il n’est pas toujours nécessaire que l’appréciation vienne d’un gestionnaire. L’appréciation de nos collègues a aussi une incidence positive sur notre moral, disent les spécialistes. Souvent même, cet effet est plus puissant, car, fréquemment, nos collègues sont des gens qui travaillent près de nous et qui ont une connaissance approfondie de ce que nous faisons.
Avec la transition en cours dans l’économie mondiale, le désengagement discret ne fait peut-être plus la une de l’actualité ; toutefois, il est bon de comprendre les facteurs qui ont alimenté ce phénomène. Après tout, l’histoire a tendance à se répéter.
« Plus que jamais auparavant, des pressions externes influent sur notre façon de travailler, et les employeurs doivent réfléchir aux choses à faire pour maintenir la mobilisation de leur effectif, ajoute Alan Richardson. Aujourd’hui, ces pressions sont liées à la santé et à l’économie ; demain, elles pourraient être de nature différente. Quoi qu’il en soit, il demeurera important de les déceler et de les comprendre. »
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